Décès de Marvin « Marvelous » Hagler

Nous sommes le 30 juin 1979, l’époque Bouttier – Tonna est terminée et les retransmissions de boxe sur le service public également. Néanmoins, Pierre Cangioni délaisse Téléfoot pour un soir et présente en direct de Monaco le championnat du Monde des poids moyens entre Hugo Corro, qui vient de détrôner l’immense Rodrigo Valdès et un Italo-américain peu connu: Vito Antuofermo. Pour une reprise de la boxe après des mois de vaches maigres, le spectacle est décevant. Antuofermo s’impose avec un style de tâcheron et les téléspectateurs français qui avaient pour référence Carlos Monzon se grattent la tête. En une phrase et un plan, Pierre Cangioni va redonner espoir à tout un peuple.

Entre deux rounds du Championnat du monde, il évoque un combat d’encadrement qui vient de se dérouler quelques instants plus tôt entre Norberto Cabrera et Marvelous Marvin Hagler. Grand connaisseur, le futur patron de l’OM annonce que le chauve, déjà rhabillé en civil, entrevu un instant à l’écran est sans aucun doute le futur champion de la catégorie. Un look, un nom qui claque, tous les espoirs des fans se portent sur Hagler avant même de l’avoir vu donner un coup de poing. Sans Youtube ni les chaines à péages, il nous faudra attendre presque 4 ans pour découvrir le monstre face à Tony Sibson.

Durant les années 1970, la catégorie des poids Moyens élit domicile en Europe. Pendant que les cadors tentent de détrôner Carlos Monzon entre Paris, Monte Carlo et San Remo, le jeune Marvin Hagler fait ses classes à Brockton puis va combattre les plus durs boxeurs du pays à Philadelphie.

Il y récoltera deux défaites mais surtout de nombreuses victoires, le plus souvent par KO et une réputation de « danger » qui l’éloignera durablement d’une chance mondiale. Handicapé par le peu d’influence des frères Petronelli qui dirigeaient sa carrière, Hagler a dû patienter plus qu’un autre avant de récolter un match nul sévère contre Antuofermo, puis de glaner enfin la ceinture WBC face au Britannique Alan Minter.

Concentré uniquement sur son sport du début à la fin de sa carrière, le divin chauve ignorait totalement le contexte raciste qui l’attendait à Londres et ne le découvrit qu’au hasard d’un footing dont l’itinéraire le fit passer devant un kiosque à journaux qui reprenait les déclarations ordurières de Minter.

Ambidextre, changeant de garde au gré du combat, Hagler est devenu champion unifié des Moyens, en venant à bout d’Obelmejias, Antuofermo (pour la revanche), Sibson, Scypion et d’autres…

Mais c’est en 1983 qu’il entre dans une nouvelle dimension en affrontant Roberto Duran. Venus des catégories de poids inférieures, Duran, mais aussi Thomas Hearns et Ray « Sugar » Leonard s’acheminent alors vers les 160 livres et les énormes affiches que seront leurs affrontement avec Hagler.

En avance  à l’issue de la 12ème reprise, Duran s’incline finalement aux points à l’issue des 15 rounds, quelques mois à peine avant que le format des Championnats du Monde ne soit réduit de 15 à 12…

Mais le chef d’œuvre de « Marvelous » (surnom qu’il aura fait officiellement intégré à son état civil afin de contraindre les journalistes à le mentionner) aura lieu le 15 avril 1984 au Caesars Palace de Las Vegas contre Hearns. Trois rounds d’Armageddon qui donnent des frissons à tous ceux qui se réveillèrent à 5 heures du matin cette nuit-là et à tous les autres qui le découvrirent bien plus tard sur internet.

A propos de la modernité, Hagler avait un peu de mal avec les préoccupations extra-sportives des boxeurs modernes. « Je lis les interviews, ils ne parlent que de leurs villas » disait-il en 1999, avant même que les réseaux sociaux ne viennent amplifier un phénomène qu’il ne goutait guère.

Jamais lié à des faits divers, toujours présent et élégant pour représenter la boxe lors de galas de charité ou parmi les invités des super-combats de Las Vegas, Hagler illustre à la perfection le rêve véhiculé par son sport. Celui d’un gamin en guenilles qui monte sur un ring à Brockton et corrige le vainqueur des derniers Golden Gloves alors même qu’il n’a pas autre chose que ses chaussures de ville aux pieds et qui finit plusieurs fois sportif le mieux payé au Monde.

Alors bien sûr, il y a ce dernier combat perdu contre Leonard. Objet de toutes les polémiques. Au fond, peut-être Hagler l’a-t-il vraiment perdu ? Mais son chemin avait été si dur pour l’amener au titre qu’il aurait mérité de conserver ses ceintures avec un match nul. Et nous offrir une revanche. Un 68ème combat qu’il n’effectuera jamais, tout comme il n’atteindra pas sa 68ème année…

Nous sommes bien tristes ce matin…

Paul GIBERSZTAJN

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