Matteo Hache: « Je suis un passionné de stratégie »

AU NOM DU PERE

En seulement trois sorties victorieuses sans perdre un seul round dans les rangs professionnels, le jeune Matteo Hache s’est imposé comme l’un des plus talentueux espoirs français. Spectaculaire et charismatique, le boxeur de Barentin est déterminé à réussir dans la boxe, une façon pour le jeune adulte de prendre une revanche sur une vie d’adolescent semée d’obstacles. Véritable bourreau de travail, Matteo Hache ne laisse rien au hasard pour mettre toutes les chances de son coté. Ce samedi 17 avril, il a rendez-vous sur le ring de Saint Pierre Sur Dives (14) avec le breton Johanny Bola, à quelques jours de cette rencontre, Matteo a répondu à nos questions. 

BoxeNet : Quand avez-vous débuté la boxe ?

En mars 2013, j’avais 14 ans. Je pratiquais le motocross en compétition et j’avais également fait du judo à un bon niveau mais je me suis blessé, j’ai fait une ostéochondrite au genou gauche. Comme j’étais plutôt d’un tempérament impulsif, mon père m’a proposé d’aller vers la boxe. Mon père aurait aimé faire de la boxe, je le fais à sa place.

BN : Quelle expérience en boxe amateur ?

J’ai effectué 58 combats amateurs, mes meilleurs résultats sont une demie finale aux championnats de France juniors en 2015, un combat que je n’ai pas pu disputer puisque j’ai dû déclarer forfait sur blessure. J’ai été injustement déclaré perdant  des championnats de France senior en 2019 face à Bengoro Bamba avec 3 points de pénalités sur des fautes imaginaires. Nous avions porté réclamation mais c’était trop tard paraissait-il, enfin B. Bamba fut champion de France cette année-là.

BN : Vous êtes donc passé professionnel..

Oui, on m’a parfois reproché de ne pas être resté plus longtemps en amateurs mais je n’ai pas une boxe spécifique à ce format des 3 rounds. Je suis un diesel, j’ai un gros physique et j’ai besoin de rounds pour donner ma pleine mesure. J’ai perdu des combats parce que je pêchais au 1er round avant de me lancer. La boxe amateur est un sprint et ma boxe est plus adaptée à la boxe pro où je peux analyser l’adversaire, agir en conséquence, on a le temps pour la stratégie. J’avais mis les gants avec des pros et il était évident que ma boxe correspondait au format professionnel.

BN : Êtes-vous pro à part entière ?

Je ne fais que de la boxe depuis bientôt un an, j’y consacre toute mon énergie.

BN : La stratégie est importante pour vous ?

Je suis un passionné de stratégie. J’aime le bluff, créer des ouvertures afin que l’adversaire s’y engouffre pour mieux le piéger.  J’ai un regard très différent des boxeurs que je connais, j’appréhende ce sport comme un jeu d’échecs. J’ai une approche mentale du sport, j’avais lu une déclaration de Wladimir Klitschko qui disait que les grands champions ne montrent jamais leurs émotions pendant un combat, depuis gamin je m’entraîne à cela, rester stoïque sur le ring. Même à l’entrainement, je ne me montre rien de mes faiblesses, de mes douleurs, mon adversaire ne doit pouvoir rien décrypter de mon état et de mes émotions.

BN: Comment vous définiriez vous en tant que boxeur ?

Je me rangerais dans la catégorie des techniciens mais avec un gros physique. J’ai été « rentre dedans » lors de mes débuts puis j’ai trouvé mon style en étant mobile et en misant sur la technique. J’ai beaucoup travaillé pour être capable de m’adapter à tous types d’adversaires, j’estime qu’un bon boxeur doit être capable de boxer de toutes les manières possibles. Même à être capable de changer des aspects de sa boxe d’un combat à l’autre, c’est quelque chose sur lequel je m’appuie beaucoup. J’ai travaillé cela pour mon prochain combat pour ne pas être en situation de contre et attendre la faille pour déclencher.

NB : Avez-vous une équipe ?

Depuis quelques mois, je me suis entouré de quelques personnes. Thomas Cordier et Alexandre Dalion qui m’aident pour les sponsors, qui font pratiquement tout pour cela. Ensuite Mathieu Lemaire qui a une salle de crossfit à Notre Dame-De-Bondeville (76) s’occupe de ma préparation physique (cardio, endurance…) puis Franck Kimenau à Barentin (76) pour la partie musculation et Jean Michel Levasseur mon entraineur spécifique boxe. Cryo Santé Sport à Mont Saint Aignan (76) avec Rodolphe le kiné s’occupe de ma récupération. Voilà cela commence à faire un bon Team, plus toutes les aides morales. Toutes ces personnes sont comme ma famille, on fait tout ensemble, il y a aussi Franck Julien qui me fait des photos et des vidéos et puis Maxime avec qui j’ai mis les gants et qui est devenu mon grand ami, on se parle tous les jours au téléphone, et bien sur mon père, Maverik, Damien et Steve mes amis.

BN : Votre principal défaut ?

Pas simple comme question…Je suis un gros travailleur et paradoxalement même de trop car s’il n’y avait que moi, je passerais ma vie à la salle. Je m’entraîne entre six et huit heures par jour, sept jours sur sept, je me lève le matin à 6h30, je finis mon dernier entrainement il est 21h30 et je crois que cela pourrait me jouer des tours si je n’avais pas un bon entourage, quelqu’un comme Maxime (Beaussire) qui me dit : « Matteo prends toi une journée ou deux, histoire de souffler avant d’arriver à saturation.. ». C’est ce qui m’est arrivé la semaine dernière où j’étais dans le dur, j’étais arrivé à un stade où j’étais claqué, avec un besoin constant de dormir, je n’étais plus du tout productif à l’entrainement. Autrement je ne me lance pas assez sur les premiers rounds, je dois garder ces instants d’analyse de début de combat mais je dois aussi m’appliquer à marquer mes points en même temps, c’est quelque chose qu’il faut que je travaille, sous peine de perdre bêtement des rounds par attentisme.

BN : Comment se passe une journée type de Matteo Hache ?

Je me réveille à 6h et je vais courir de 6h30 jusqu’à 7h15, je rentre chez moi puis je me rends à la salle de 8h15 à 10h 15, je vais ensuite à la piscine de 10h45 à 11h30. Je rentre déjeuner puis je fais la sieste. Je retourne courir à 13h30 mais plus intensif, pour le cardio, le matin c’est pour le réveil musculaire pour être d’attaque à la salle. Je retourne à la salle pour la boxe de 14h45 à 16h15 pour enchainer avec la musculation de 16h30 à 17h30 pour finir par le cross fit entre 18h et 19 h. Je rentre ensuite à la maison…

BN : Vous ne négligez rien..

J’aime les beaux combats et pas ceux dont on connait par avance le nom du vainqueur même si on peut considérer qu’il n’y a aucun combat gagné d’avance, on ne fait pas du golf. Il y a des moments où ne sait pas si on va gagner, en face c’est aussi un combattant qui veut la victoire et faire de grosses préparations c’est la plus grande marque de respect que je puisse apporter à mon adversaire. Je n’en néglige aucun, j’estime que je dois me présenter à 100% à chaque combat.

NB : Etudiez-vous vos adversaires ?

Pas plus que cela, je me base sur le fait que j’essaie de ne jamais boxer de la même manière alors du coup je m’attends à ce qu’il ne boxe pas la même manière non plus. Pour J.Bola, on n’a pas regardé de vidéos car on n’en a pas trouvé mais je sais qu’il est plus petit que moi et qu’il aime bien être dans les cordes, après j’ai fait la plus grosse préparation de ma jeune carrière pour ce combat, j’étais à 56 Vo2 Max le 11 février et je suis à 76 maintenant, je sais que je suis prêt.

BN : Avec qui avez-vous  mis les gants pour ce combat du 17 avril ?

La dernière fois j’étais allé travailler avec Souleymane Cissokho et Milan Prat. Ce coup-ci, j’ai mis les gants avec Brice Bassole, Romain Nemery, Matthieu Raymond, j’ai sparré un peu avec Lancelot Proton De La Chapelle. Je bouge pas mal pour mettre les gants, c’est la meilleure façon de progresser et de savoir où on en est.

NB : Quelle catégorie, poids super-moyen ou poids moyen ?

Je descends  en moyens, je suis encore trop frêle pour évoluer dans une catégorie où les gars font plus de 80 kgs, je suis à 73 kgs, je suis jeune autant faire les sacrifices maintenant pour être au poids.

BN : Votre objectif en 2021 ?

J’aimerais faire le championnat de France professionnel en fin d’année si j’ai le classement approprié. Je suis Elites 2, en combattant J. Bola et si je le bats je vais monter au classement national. Ensuite j’ai d’autres personnes dans le viseur pour espérer arriver au top 5 de la catégorie.

NB : Y-at-il un boxeur que vous aimeriez rencontrer ?

Pas spécialement, celui aura la ceinture me conviendra parfaitement. Ce qui me tient à cœur et si Dieu le veut, j’aimerais rencontrer Matteo Signani avant qu’il ait terminé sa carrière…

BN : Votre boxeur préféré ?

Comme beaucoup de gens, j’aime beaucoup Canelo pour son système défensif ensuite Lomachenko pour ses déplacements, c’est celui que je regarde depuis toujours, autrement quand j’étais plus petit, j’adorais, et j’aime encore,  Yuriorkis Gamboa , il était arrogant avec un style et un punch extra, j’étais un inconditionnel du cubain.

BN : Quel est votre but ultime ?

Devenir champion du monde bien sûr ! On y pense tous, nous les boxeurs, cela fait partie de nos rêves. J’aimerais une ceinture WBC, c’est la plus belle pour moi.

NB : Quel regard avez-vous sur la boxe en France ?

Il y a des choses qui m’énervent comme les classements par exemple, il y a de la grogne sur les réseaux sociaux mais il y a parfois de quoi. On ne va pas se mentir, il y a des problèmes avec les classements en France. Je ne suis pas encore dans cette problématique et j’espère ne pas l’être dans l’avenir. Malgré cela on arrive à voir de beaux championnats de France tel que celui entre Rivière et El Hadri, les jeunes ont « la dalle » et il y  a du niveau, cela fait plaisir.

BN : Avez-vous encore le temps pour des loisirs ?

J’aime les sports mécaniques et surtout la moto de piste, la musique etc..

BN: Vous avez réalisé un pari fou en courant 137 kms en 24 heures, pourquoi ?

C’était une course à pieds où des sponsors nous donnaient entre 1euro et 5 euros au km multipliés par 137 si je les réalisais en moins de 24 heures, ce que j’ai réussi. Cette action était pour l’association ASAR (aide aux sans-abris de l’agglomération rouennaise) de Rouen. Cela me tenait à cœur d’aider cette association, j’ai vécu des choses difficiles avec mon père, surtout avec l’argent car nous en avons vraiment manqué. Nous avons connu des moments très durs, mon père c’est mon héros, il nous a sorti de situations inextricables, dans mon esprit peu de monde aurait pu se sortir de cela, lui l’a fait. On a eu des soucis innombrables et il a su relever la tête et aujourd’hui nous avons une vie normale. Mon plus grand rêve serait de lui offrir ce que lui m’a offert et ce que lui a essayé de me donner quand il n’en avait pas les moyens. Si par bonheur, mon travail porte ses fruits et que je peux lui dire avant sa retraite qu’il peut arrêter de travailler et lui offrir une maison au bord de la mer et une voiture, je serais le plus heureux des hommes. Mon père c’est ma vie, mon rêve c’est le mettre à l’abri de tous soucis financiers.

Michel BEUVILLE

 

 

 

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