C’était Wilfried Florentin…

La disparition de Wilfried Florentin a choqué le monde de la boxe. L’ancien international amateur laisse une veuve et deux garçons en bas âge. Il laisse aussi la boxe orpheline de son plus gros espoir depuis bien longtemps. Un garçon qui aurait dû devenir champion du Monde professionnel et le demeurer un bon moment.

 

Photo © Pierre GIROD

« Il manque toujours quelque chose à un boxeur » dit l’adage. Un peu plus de punch pour l’un, du sérieux pour l’autre, du courage pour un troisième, etc. A Wilfried Florentin, il ne manquait rien pour être un « grand » ou plutôt si, peut-être les quelques centimètres qui faisaient de lui un « petit » dans la catégorie des 90 kilos. Car pour le reste, il frappait, il encaissait, disposait d’une technique et d’un instinct extraordinaire, développés par son entraîneur et découvreur, Olivier Boufoudi qui avait vu en lui un champion dès les premières séances au club de Limeil-Brévannes, alors que Wilfried n’était encore qu’un gosse de 13 ans un peu bouboule.

Dès son arrivée en équipe de France amateur, Florentin est venu remporter une médaille de bronze aux championnats d’Europe junior, tout en étant l’un des plus jeunes combattants de la compétition. A cette occasion, il a fait étalage d’une boxe d’instinct, insolente de facilité, les bras souvent en bas, punissant ses adversaires à la moindre faute. Il a fallu l’expérience du futur champion du Monde russe, Igor Fedorov, pour le stopper et ce ne fut pas sans mal.

En intégrant l’INSEP, Wilfried a gagné le fond physique qui lui manquait tout en perdant une partie de la fantaisie de ses débuts. Désigné parmi les rares juniors à accompagner les internationaux seniors à La Havane lors d’un stage, il a mis les gants avec Erislandy Savon et Julio Cesar La Cruz, obligeant ce dernier à interrompre un sparring après lui avoir ouvert la lèvre sur un uppercut ! Quand on lit sur le palmarès de La Cruz SEPT médailles d’or mondiales ou olympiques, et que l’on connait son style intouchable, on mesure mieux l’étendue de l’exploit !

Champion d’Europe Junior lors de sa deuxième saison internationale, Florentin est devenu le 3ème français à obtenir ce titre en 50 ans. Il fut surtout le premier à le détenir dans la catégorie des Lourds où les Russes ont l’habitude de ne laisser que les miettes aux autres nations. Pourtant, de l’avis de beaucoup d’observateurs, cet exploit fut réalisé malgré un style de boxe beaucoup plus adapté au monde professionnel qu’à celui des amateurs.

Privé d’Olivier Boufoudi, trop tôt disparu, probablement déboussolé, Wilfried a trop souvent privilégié l’épreuve de force et la bagarre. Il pensait devoir montrer à tout moment qu’il était celui qui avait le plus d’estomac. Et quand on écrit « estomac », on pense à des attributs plus spécifiquement masculins.  Non seulement, il le prouvait durant les 3 minutes que durait chaque round, mais il continuait parfois à défier ses adversaires à la minute de repos et même au-delà, ce qui lui valut deux problèmes disciplinaires en Hongrie puis au gymnase de la porte Pouchet.

Officieusement privé d’équipe de France (où il était devenu le n°1 des 90 kg dès sa première année senior) et de la possibilité de boxer en tant que professionnel sur le territoire national, Wilfried a donc démarré une carrière pro à l’étranger, loin de la mise en valeur que son talent aurait mérité. Au-delà de ses proches à qui Boxenet présente ses condoléances, la boxe tricolore a perdu un talent générationnel. Peut-être le meilleur depuis Laurent Boudouani, qu’Olivier Boufoudi aimait tant.

Jacques LAMBERT

 

                 

 

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