Sow : « Les galères de la vie m'ont renforcé »

Discussion autour de la boxe anglaise amateur
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le boxeur51

| SPORTIF RÉGIONAL DE L'ANNÉE |

Après avoir un moment envisagé de profiter de l'impact de sa médaille d'argent, à Pékin, pour passer chez les professionnels, Daouda Sow a, finalement, décidé de rester amateur et de se projeter, déjà, vers les Jeux de Londres.


- Est-ce qu'un titre de vice champion olympique, ça change vraiment la vie ?



« Au début, je disais que je voulais surtout rester le même et je pense avoir réussi à le faire. Après, il est évident que la vie change et en ce qui me concerne, ça n'a été que du positif. Je n'ai eu que des bonnes retombées. Le fait d'être reconnu, de se faire élire sportif de l'année par mon département, par La Voix des Sports, c'est flatteur. Ça prouve qu'il y a de la considération pour le travail que j'ai pu faire. »

- Est-ce que ç'a été compliqué de gérer toutes les sollicitations ?

« Oui, parce que nous ne sommes pas préparés à ça. Aujourd'hui encore, je suis étonné par tout ce qui m'arrive. Il y a des tas d'opportunités qui se présentent et il faut faire attention, bien s'entourer. J'estime être généreux, mais il ne faut pas pour autant s'oublier. En tant que sportif de haut niveau, il fallait que je reprenne l'entraînement, j'ai dû dire stop, refuser certaines sollicitations. J'en suis désolé pour les gens que ç'a déçu et qui ont cru que j'avais pris la grosse tête. Après, il ne faut pas se mentir, mon objectif est de ne pas me faire oublier, surtout pour mener à bien mes projets. »

- Quels sont-ils ?

« Je me sens un peu comme une étoile pour la jeunesse, notamment dans ma ville de Hem. J'étais ce qu'on appelle "un jeune de quartier"et j'ai envie de transmettre des messages auprès des jeunes, leur montrer les bienfaits du sport. Je me dis que je n'ai pas le droit de les abandonner. J'ai envie de monter des actions dans les quartiers. Je n'aime pas trop le terme "intégrer ", mais je veux travailler sur l'insertion par le biais du sport. »

- Concrètement, vous souhaitez agir de quelle façon ?

« Mon souhait est de monter une académie de boxe à l'échelle régionale. C'est un projet que je partage avec un autre médaillé olympique, Khédafi Djelkhir, qui ferait la même chose sur Besançon. On choisirait les meilleurs boxeurs, mais on ne veut pas se limiter au sport, on veut qu'il y ait un suivi socio-professionnel derrière. Je veux leur mettre à disposition l'aide que je n'ai pas eue quand j'avais leur âge. En 1999-2000, lorsque j'ai été champion de France cadets, si j'avais été guidé, pris en main, j'aurais peut-être intégré l'INSEPT plus tôt et si ça se trouve, j'aurais pu disputer les Jeux dès 2004 à Athènes. Là, j'ai attendu de connaître les difficultés de la vie pour y aller. »

- Avez-vous déjà évoqué votre projet avec des institutionnels, des partenaires économiques ?

« J'en ai discuté avec le maire de Hem, avec le président du Conseil régional, avec Christophe Vitoux à la Communauté urbaine.. Les politiques me semblent assez réceptifs, ils ont même été un peu surpris par l'engagement que je suis prêt à mettre dans le projet. Je n'ai pas encore eu de contacts, en revanche, avec le monde économique, mais j'en profite pour lancer un appel aux différents partenaires qui seraient prêts à s'investir. Je compte, enfin, me servir de mes relations dans le monde du sport pour solliciter quelques champions, qui pourraient aussi venir transmettre leur expérience, leur vécu, aux jeunes. Tous les soutiens sont les bienvenus. »

- Revenons à cette médaille olympique. Elle vient de loin ...

« C'est vrai. J'ai eu la chance que la boxe vienne à moi, grâce à mon entraîneur à Hem, Abdelhalim Zehrir. C'est lui qui est venu me chercher dans la rue, qui m'a convaincu d'essayer la boxe, qui venait pendant des années me chercher en voiture chez moi pour que je puisse participer aux entraînements.
Je dois d'ailleurs remercier mes parents, car ils trouvaient que c'était un sport trop violent, mais ils m'ont quand même laissé le pratiquer. Ceux qui me connaissent bien savent que j'ai eu beaucoup de hauts et de bas, des périodes où j'ai trimé. J'ai distribué pendant des années des prospectus pour manger et payer mes factures à la fin du mois. J'ai pu compter dans ces moments sur le soutien de ma famille et de mes amis qui ne m'ont jamais lâché. »

- En 2006, vous aviez aussi décidé d'arrêter la boxe...

« J'en avais marre de la boxe, du système. J'étais le numéro 2 de ma catégorie, mais je n'étais quasiment pas aidé financièrement. Je ne demandais pas des millions, mais juste de quoi vivre correctement. Je n'avais pas pleinement la tête à mon sport. Je me demandais tout le temps comment j'allais payer le billet de train pour rentrer chez mes parents. Quand les copains de l'INSEP proposaient d'aller boire un verre, je refusais en disant que j'étais fatigué, mais en réalité c'était parce que je n'avais pas les moyens. Alors un jour, je me suis dit que ça ne pouvait plus durer, je ne voulais plus galérer. J'ai quitté l'INSEP, je suis rentré dans le Nord et j'ai travaillé un an dans un foyer de jeunes en difficulté. »

- Et là vous avez eu un déclic ?

« Oui, j'ai réalisé que j'adorais la boxe et que j'étais en train de passer à côté de quelque chose, que j'avais le potentiel pour réussir de belles choses. Je n'avais jamais été champion de France chez les seniors, j'échouais toujours en demi-finale ou en finale, alors je me suis fixé l'objectif de l'être au moins une fois. Je le suis devenu en 2007 et à partir de là tout s'est enchaîné positivement. J'ai gagné des tournois internationaux, j'ai obtenu ma qualification pour les Jeux olympiques et grâce au soutien de ma fédération, au travail de mes entraîneurs, j'ai décroché cette médaille d'argent à Pékin. »

- Ne pensez-vous pas que ces moments difficiles ont contribué à vous forger un mental en béton ?

« Tout à fait, les galères de ma vie m'ont renforcé. Si j'avais obtenu un confort matériel plus vite, je ne serais sans doute jamais devenu vice-champion olympique. Les difficultés, ça m'a construit. Je serai fier de montrer à mes enfants et petits-enfants, à travers vos articles, tout le parcours accompli. Je n'ai que 25 ans, j'ai encore plusieurs pages de mon histoire à écrire. »

- Vous pourrez aussi leur montrer les images de ces JO. Les visionnez-vous régulièrement ?

« Non, pour être franc, je n'ai revu mes combats qu'au début du mois de décembre. Je voulais profiter au maximum de ma médaille, la savourer. Tellement de gens m'avaient dit que j'avais été volé en finale, que je ne voulais pas être dégoûté, je ne voulais pas que mon plaisir soit gâché.
Maintenant, j'ai revu le combat, j'ai mon idée sur l'arbitrage, mais je ne veux pas en parler, pas polémiquer. Je ne veux retenir que les belles choses et notamment l'accueil que j'ai reçu à mon retour, à Hem. Récemment, j'ai aussi revu des images où l'on voit le maire de ma ville sauter de joie avec les jeunes des quartiers, c'est une image qui m'a vraiment marqué. Et c'est aussi ce qui va me motiver à repartir pour 2012. J'ai envie de faire revivre ces moments de bonheur. »

- Vous évoquez les Jeux de Londres. Pourtant, vous nous aviez affirmé fin octobre avoir choisi de vous lancer dans une carrière professionnelle. Qu'est ce qui vous a fait revenir sur votre décision ?
« Comme je vous l'avais dit à l'époque, j'étais décidé à tenter ma chance chez les professionnels. Si j'avais voulu, j'aurais pu signer des contrats, mais Mahyar Monshipour a su m'éclairer. Il m'a montré la réalité du monde professionnel, avec ses bons et ses mauvais côtés. Sans lui, j'aurais sans doute signé sans savoir où je mettais les pieds. Mais ce que j'ai vu de la boxe professionnelle ne correspond pas à mes attentes. C'est trop cruel, il y a trop de business, je ne retrouvais pas les valeurs sportives. J'ai donc préféré dire non à l'argent et rester l'homme que je suis. »

- Comment allez-vous donc vous organiser désormais ?

« Je ne suis plus pensionnaire de l'INSEP. J'ai décidé de revenir m'entraîner à Hem, ma ville, qui m'a beaucoup aidé, en me donnant du temps pour m'entraîner et en se mobilisant énormément durant les JO. Pour mener à bien mes projets, c'est indispensable d'être sur place. J'ai aussi repris mon travail d'éducateur sportif. Et de temps en temps, je ferai quelques stages à l'INSEP ou ailleurs, avec l'équipe de France. »

- Quels sont les grands objectifs de 2009 ?

« Il y aura un match international en janvier, puis les championnats de France en février. Ensuite, les rendez-vous de l'été seront les Jeux Méditerranéens en juin puis les championnats du monde, en août, à Milan. »

RECUEILLI PAR DAVID DELPORTE
PHOTO VDS
SOURCE / http://www.lavoixdessports.com
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