Tiozzo se met entre crochets
Par Cédric MATHIOT
Il y a peu, le vieil entraîneur Albert Mauriac, qui fut le premier entraîneur de la fratrie Tiozzo à Saint-Denis, confiait à Libération : «De tous les frères, Franck était le plus doué. Christophe venait après. Et honnêtement, je n'aurais jamais cru que Fabrice ferait cette carrière.» Franck n'a jamais boxé au plus haut niveau. Christophe est devenu le petit prince de la boxe hexagonale (champion du monde WBA des super-moyens en 1990) avant de s'abîmer dans la dope et l'alcool. Et Fabrice, le cadet, l'inattendu, est devenu, sinon un des plus grands boxeurs du noble art français, au moins un des plus beaux palmarès. Le 18 novembre, Fabrice Tiozzo devait défendre son titre WBA des mi-lourds contre l'Argentin Hugo Hernan Garay, et devenir le seul boxeur français à avoir disputé 12 championnats du monde, devançant d'une unité Marcel Thil (11 championnats du monde dans les années 30). Il devait, mais il ne le fera pas. Tiozzo a annoncé hier qu'il raccrochait. A 37 ans, Tiozzo, qui rêvait d'un dernier grand combat qui lui rapporte le jackpot, a fini par se lasser d'attendre. Dans l'Equipe , il déclare : «Je n'ai plus d'avenir. J'en ai marre de vivre dans l'attente d'un truc qui ne viendra jamais. Je préfère m'en tirer avec la gloire et l'honneur. Au sommet.»
Obésité. En 1988, Tiozzo, sur qui nul ne mise alors, quitte la Seine-Saint-Denis et atterrit à Lyon, chez le manager Jean-Marc Perono. Il devient champion de France en juin 1991. Après une défaite lors de sa première chance mondiale contre l'américain Virgil Hill, Tiozzo décroche la ceinture mondiale WBC des mi-lourds en battant Mike McCallum, en 1995. Alors que son frère a entamé sa descente aux enfers, Fabrice semble prêt à reprendre le flambeau familial, mais lâche prise. Incapable de faire le poids, Tiozzo abandonne sa ceinture après une seule défense de titre. En 1997, il reconquiert un titre mondial, contre l'Américain Nate Miller, dans la catégorie supérieure des lourds-légers qui lui convient mieux. Un titre qu'il fait fructifier lors de quatre défenses victorieuses, avant de s'incliner à nouveau contre l'américain Virgil Hill, fin 2001. Trois ans plus tard, il retrouve une chance de retoucher le sommet. Revenu des limites de l'obésité, il perd 20 kg et décroche, avec un courage majuscule (il est envoyé au tapis au 8e round), une nouvelle ceinture des mi-lourds contre l'Italien Silvio Branco. Un titre qu'il va défendre en Allemagne en allant mettre à la retraite l'ex-terreur de la catégorie, le Polonais Michalczewski.
Hypothétique. Dès lors, Tiozzo, qui boxe de moins en moins souvent, rêve en grand. De revanche contre Hill (son seul bourreau à ce jour en 50 combats), de combat contre Mormeck, contre l'Américain Roy Jones, de réunification mondiale. D'argent aussi et de reconnaissance. De quoi justifier le régime tyrannique qu'il impose à nouveau à son corps depuis son retour dans la catégorie des mi-lourds. Mais la foultitude de projets qu'on lui met sous le nez tombe à l'eau ou se révèle impossible à organiser. Ces derniers mois, Fabrice Tiozzo et Michel Acariès avaient tenté d'organiser une défense de son titre mondial à Lyon. Tiozzo demandait une bourse coquette 600 000 euros, selon Acariès, voire de 750 000, selon d'autres sources qui lui a été refusée. Le combat a finalement été programmé au Cannet (Alpes-Maritimes) contre l'Argentin Garay.
Fin septembre, il a concédé, une première fois, sa démotivation devant l'échéance ( «J'ai perdu l'envie»). Au début de cette semaine, il s'est entretenu avec Michel Acariès : «Il m'a dit qu'il avait du mal à faire le poids pour le combat, raconte Acariès. Qu'il rêvait d'affronter Virgil Hill. J'ai dû lui dire que c'était compliqué parce que Hill a des engagements. Mais je lui ai assuré que je mettrais un million d'euros sur la table pour un combat contre Jean-Marc Mormeck. 400 000 euros pour chacun, 200 000 en plus pour le vainqueur.» Fabrice Tiozzo n'a pas cru à cet hypothétique combat, qui impliquait qu'Acariès se mette d'accord avec le promoteur américain, Don King. Si le boxeur français ne revient pas sur sa décision, son dernier combat se sera déroulé au Cannet, en juillet. Ce soir-là, il avait fait le métier, et avait battu le modeste Henry Saenz, tombé KO à la 5e reprise d'un combat sans titre en jeu, sans passion, sans rien.
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Tiozzo - Article de Libé
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